Comment travaillez-vous au sein de la crèche ?
Myriam. On est une vraie équipe. En crèche, il y a un toujours un projet pédagogique qui encadre l’accueil des enfants. C’est ce projet qui détermine notre organisation en tant qu’encadrants. En ce qui concerne la crèche de Bruguières, nous avons un agrément pour vingt-quatre enfants. Dans le secteur des bébés, nous disposons de dix places et dans le secteur des moyens grands de quatorze places. Il n’y a pas une référente attitrée pour chaque enfant, sauf pour les semaines d’adaptation.
Lydie. Tout à fait, il y a des référentes dédiées aux deux secteurs afin d’assurer une continuité dans le lien avec les enfants et les familles. Il y a trois personnes pour les bébés et trois personnes pour les moyens grands sur la journée.
Vous êtes une petite équipe. Comment réussissez-vous à palier aux absences des encadrantes ?
Myriam. On a une professionnelle volante qui peut remplacer ses collègues en cas de congés, RTT ou maladie. C’est la seule professionnelle qui travaille dans les deux secteurs d’enfants. Mon adjointe et moi-même effectuons, aussi, des remplacements quand cela est nécessaire.
Est-ce facile de faire cohabiter autant d’enfants ?
Myriam. Il y a des activités qui sont prévues quotidiennement pour éviter que les enfants soient en groupe, trop souvent. On a beaucoup de rituels, des jeux libres et des activités afin que chacun arrive à trouver sa place. Il ne suffit pas de sortir un jeu et de les laisser faire. Il faut être présente, être assise avec eux. Travailler en crèche, ce n’est pas assurer seulement une présence physique. C’est important d’être disponible et à leur écoute. L’équipe est très attentive aux besoins des enfants.
Lydie. On est là pour les éveiller, mais nous ne sommes pas l’école maternelle, nous n’avons pas d’attentes particulières, il faut qu’ils prennent du plaisir.
Comment gérez-vous les pleurs, comme ceux de la séparation du matin ?
Myriam. Les professionnelles sont toujours deux ou trois sur le terrain, donc certaines sont là pour accueillir les enfants, donner leur bras ou jouer. Après, il y a les doudous et les tétines qui sont importants pour ce moment de transition. Le soir, aussi, la séparation n’est pas toujours facile. Nous connaissons bien les enfants et nous savons ce qui les amène facilement à se détacher de leurs parents. Les enfants se découvrent dans des situations nouvelles, il faut leur apprendre à les affronter de la façon la plus sereine possible. Il faut beaucoup communiquer et toujours mettre des mots sur un mal-être. Il faut verbaliser.
Lydie. Nous donnons aussi beaucoup de repères structurels, aux enfants, dans la journée.
Et les siestes dans tout ça… Elles sont parfois chaotiques chez les parents. Ça se passe comment en collectivité ?
Miam. On ne cale pas les bébés sur le même rythme déjà, sauf pour les enfants de deux ans puisque dans un développement normal, ils font une grosse sieste en début d’après-midi. Tout petit, on suit leur rythme. Bien entendu, ce sont des dortoirs qui regroupent cinq ou six bébés. Ils peuvent se réveiller les uns les autres. Il y a des bébés que le bruit ne gêne pas et inversement. Dès que les enfants montrent des signes de sommeil, on les couche. On fait des couchers individuels avec le risque qu’ils se réveillent mutuellement. On essaye d’être au plus près du rythme de l’enfant, comme les repas. On s’appuie beaucoup sur les parents.
C’est un travail très sportif, vous confirmez ?
Myriam. Il n’y a pas de temps mort dans un secteur de bébés. Chez les grands, il n’y a qu’une seule sieste mais finalement, c’est au moment de la pause déjeuner du personnel, ensuite il faut préparer le goûter et les activités. Après le coucher des enfants, il y a un nettoyage du secteur. En plus, il y a toujours une personne qui surveille les dormeurs dans le dortoir, donc on travaille en continu.
En France, les parents sont très majoritairement attirés par l’accueil en crèche. Pourquoi selon vous ?
Lydie. Du fait de la diversité du personnel. Ils ont peur qu’une assistante maternelle ne s’entende pas avec leur enfant. Ils pensent qu’en crèche, il y aura toujours quelqu’un qui s’entendra avec leur petit, mais en réalité ça ne se passe jamais mal avec les nounous. Je ne connais pas une seule assistante maternelle qui m’a dit qu’elle n’aimait pas l’enfant et qu’elle voulait rompre le contrat. Toutes les familles au départ préfèrent le collectif. Et finalement, chaque année beaucoup changent d’avis mais quand elles ont enfin une place en crèche. C’est signe qu’il y a de la confiance et que le système assistante maternelle convient bien aussi. Ce sont deux accueils complémentaires.
Quelle qualité faut-il avoir pour travailler en crèche ?
Myriam. Il faut avoir la passion de ce métier. On ne le fait pas par défaut. Ensuite, il faut beaucoup d’empathie et d’écoute. Ça fait 17 ans que je travaille en crèche et on apprend tous les jours à travers les enfants. Pas un jour ne se ressemble. Ils nous bousculent, ils nous obligent à réfléchir. On est en perpétuelle réflexion sur nos pratiques professionnelles.
Lydie. C’est un métier complet. Travailler en crèche, c’est accepter de passer huit heures dans du bruit, auprès des enfants mais aussi de ses collègues. On se pose mille questions pour essayer de régler certaines situations. On se pose les mêmes questions que les parents finalement. Il nous faut donc de la souplesse.
Êtes-vous fatiguées après une journée auprès des enfants ?
Myriam. Bien sûr. Tout métier a ses contraintes et ses difficultés.
Lydie. Nous avons de la chance de travailler sur 39 heures et ainsi de bénéficier de RTT et de congés. Cela permet de se requinquer.
Les parents sont-ils difficiles à gérer ?
Myriam. Quand les parents sont mécontents, c’est souvent parce qu’il y a une incompréhension. Je les reçois, nous discutons et finalement il n’y a plus de soucis.
Lydie. On explique parfois les limites de la collectivité. Parfois, on peut avoir un enfant qui tape toujours un même enfant. La famille a beau être patiente, elle peut penser qu’il y a un manque de vigilance. C’est à la direction de se justifier et de communiquer.
Comment on encadre, justement, un enfant un peu agressif ?
Myriam. Les enfants ont des pulsions, ce n’est pas une question de caractère. On garde des enfants de moins de 3 ans, ils découvrent tout. C’est normal qu’ils ne gèrent pas du jour au lendemain leurs émotions. Ils ne parlent pas encore donc la communication passe à travers des gestes. Quand la parole arrive, les gestes agressifs peuvent diminuer. Ces pulsions sont tout à fait normales, il faut du temps pour qu’ils apprennent à se canaliser. Nous sommes là pour mettre des mots sur leurs gestes et les accompagner dans leur évolution.
Lydie. Ce sont des périodes ponctuelles comme pour les bébés mordeurs. Il faut dédramatiser les choses.
Myriam. Un bébé n’a pas l’intention de faire mal, il faut le savoir.
Un article de Magali Vogel