Elle nous raconte son parcours :
Célibataire, vous avez fait le choix, il y a quelques années maintenant, d’avoir un enfant par PMA. Est-ce que cela a été une décision difficile à prendre ? (Vous aviez quel âge ?)
J’ai mis du temps avant de prendre cette décision. J’ai pris beaucoup d’informations et de conseils auprès de professionnels et de proches. À 39 ans, il fallait me décider, car malheureusement, le temps est compté pour les femmes. La fameuse horloge biologique.
J’avais peur que l’absence d’un second parent puisse être un manque pour mon enfant.
C’est ma gynécologue qui m’a finalement permis de sauter le pas. Elle m’a demandé si la maternité faisait partie de mes projets de vie. Et c’était bien le cas. J’ai toujours voulu être mère.
Par ailleurs, une psychothérapeute spécialisée sur la famille m’a dit — ce qui me semble une évidence aujourd’hui — que ce qu’un enfant n’a pas connu ne peut pas lui manquer.
C’est moi, nous, la société, qui faisons des projections.
J’ai aussi écouté et lu les propos de Boris Cyrulnik :
« Ce qui compte, c’est d’ouvrir le champ sensoriel de l’enfant pour qu’il apprenne à aimer sa mère et quelqu’un d’autre, parce que sinon il est prisonnier de l’affection de sa mère. D’abord, c’est la lune de miel, et à l’adolescence, la haine. »
Il prenait l’exemple d’une femme qui élève son enfant avec sa propre mère. La grand-mère prend ici le rôle du deuxième parent et permet à l’enfant d’aimer en dehors de sa mère.
C’est le modèle que j’ai repris, ma mère étant très présente dans notre vie à Samuel et moi.
J’ai également été très entourée par mes amis.
Outre le bonheur d’être enceinte, la grossesse et l’accouchement ont-ils été difficiles à vivre seule ?
En démarrant mon parcours de PMA en Espagne (à l’époque, il n’était pas possible pour une femme seule ou un couple de femmes de faire une PMA en France), j’ai été diagnostiquée avec l’endométriose, ce qui a rendu un peu plus compliquée l’aventure.
Après deux FIV, je suis tombée enceinte de mon petit garçon.
Les six premiers mois de grossesse ont été idylliques.
À l’exception d’un incident en tout début de grossesse où j’ai perdu du sang en pleine nuit, et où la présence d’un conjoint aurait été la bienvenue pour me rassurer et m’aider à me rendre aux urgences.
Mais je m’en suis sortie seule, au final.
Et ma mère m’a accompagnée à tous les rendez-vous importants et a appris le sexe du bébé en même temps que moi.
J’ai donc pu partager ces moments de joie avec quelqu’un.
Et mes amis suivaient également mon parcours avec beaucoup de bienveillance et d’encouragements.
J’ai dû être hospitalisée trois semaines au 7e mois de grossesse, ce qui a été très difficile.
C’était en juillet, j’étais complètement seule : ma mère était en déplacement à l’étranger et la plupart de mes amis étaient partis en vacances.
Là, c’est sans doute le moment qui a été le plus dur. Car on m’annonçait qu’il y avait peut-être un problème avec le bébé.
J’étais positive au cytomégalovirus. Les examens pour contrôler tout ça étaient longs.
Je crois avoir dû attendre une ou deux semaines avant d’être rassurée. C’est très long, surtout quand vous êtes seule, allongée sur un lit d’hôpital.
J’avais de longues conversations téléphoniques avec mes amies, surtout celles ayant vécu des grossesses compliquées.
Et le personnel hospitalier était très rassurant.
Au final, mon petit Samuel est né avec un mois d’avance, en pleine forme !
Vous êtes maman solo et illustratrice, un métier très créatif dans lequel vous excellez, mais qui n’offre pas vraiment de garanties financières. Comment gérez-vous cette situation ?
Dans l’ensemble, je ne suis pas trop stressée par ma situation.
J’ai la chance d’avoir une partie de mon revenu sous forme de CDI, ce qui m’assure un minimum vital (pas suffisant, mais c’est mieux que rien).
Et je me dis toujours que s’il le fallait, je pourrais reprendre un travail plus « classique ».
Bien que j’espère ne jamais avoir à le faire.
Lorsque j’ai pris la décision d’avoir un enfant seule, ma situation professionnelle était stable.
J’essaie d’avoir toujours deux ans de contrats assurés devant moi et je fais confiance à la vie. ;)
Après avoir vécu à Paris, en Italie, puis à Toulouse, vous vivez en Bretagne avec votre petit garçon de 6 ans. Est-ce un choix guidé par des considérations économiques ?
Je suis Bretonne par ma mère et de cœur. Une partie de ma famille y vit.
J’y ai passé toutes mes vacances enfant et ai toujours voulu y vivre.
La vie m’a trimballée dans différents endroits avant de pouvoir me poser enfin en Bretagne.
C’est la qualité de vie, les gens, la culture et la beauté de cette région qui m’ont toujours attirée.
Mais il est certain que, lorsque j’ai eu Samuel, il était évident qu’il devait y grandir.
Je m’étais fixée son entrée en maternelle comme date ultime pour y parvenir. Ce que nous avons fait.
S’il n’y avait pas eu le Covid, nous y serions arrivés avant les 3 ans de Sam.
Si les considérations économiques ne m’ont pas poussée à prendre cette décision, en revanche, il est clair que notre qualité de vie est bien meilleure que dans une grande ville, et que nous pouvons nous permettre de vivre bien mieux avec des revenus modestes.
Quelles difficultés rencontrez-vous au quotidien en tant que maman solo ?
J’ai la chance de travailler chez moi et de gérer mon emploi du temps professionnel comme je le souhaite, ce qui me facilite la tâche pour faire face aux imprévus : enfant malade, école fermée, pas de place en garderie, etc.
Par ailleurs, ma super maman est venue nous rejoindre en Bretagne deux ans après notre arrivée. Je ne suis donc pas complètement seule.
Il y a eu quelques réflexions au début, mais très peu, sur ma situation de maman solo.
Si Samuel avait un comportement qui n’allait pas, c’était sans doute parce que, étant seule, je devais être dépassée — ce genre de sous-entendus.
Mais ça n’a pas duré et c’est très peu arrivé.
Une fois que les gens apprennent à vous connaître et vous voient impliquée auprès de votre enfant, ce genre de préjugés disparaît.
Mais tout est à double tranchant :
Si c’est extrêmement satisfaisant, de mon point de vue, de pouvoir prendre toutes les décisions importantes seule concernant mon enfant, sans compromis avec un autre parent (sur l’éducation, par exemple), c’est aussi très stressant.
On ne peut pas partager ses angoisses avec un autre parent qui pourrait peut-être les atténuer, on ne peut compter que sur soi-même.
Et c’est parfois épuisant.
On n’a pas un autre parent pour prendre le relais lorsque l’on est fatiguée, déprimée ou malade, et que notre enfant fait un caprice…
Diriez-vous que vous êtes une maman solo comblée ?
Bien que ce ne soit pas tous les jours facile, c’est la meilleure décision que j’ai prise de toute ma vie.
La plus importante.
Devenir maman a changé ma vie pour le mieux. Et oui, je me considère comme une maman solo comblée.
Je le répète, j’ai eu beaucoup de chance : je suis très entourée, que ce soit par ma famille ou mes amis.
Et j’ai un petit garçon formidable qui me comble de bonheur.
Vous avez illustré deux albums qui racontent la vie de maman solo. D’autres projets en cours sur ce même thème ?
Je pense qu’après avoir illustré Elle a fait un bébé toute seule et Maman solo, j’ai fait le tour de la question.
Du moins, pour le moment.
Qui sait, peut-être que l’adolescence de mon fils apportera d’autres idées de projets.
Par Sophie de Villenoisy