Très rapidement après votre mariage, la maladie psychique de votre mari s'est révélée très sévère au point de devoir vous séparer de lui. Vous le placez alors dans un établissement psychiatrique et 4 ans plus tard, il mettra fin à ses jours vous laissant seule avec 2 petites filles de 7 et 9 ans, vous avez alors 40 ans. Comment prend on une telle décision que de se séparer de son conjoint malade ?
J'ai pris la décision du jour au lendemain, j'avais 36 ans, suite au conseil radical d'une psychologue. Mon mari était gravement malade depuis toujours et menaçait de se suicider ; un jour il a fait une tentative de suicide sous notre toit, je me suis dit que je ne pouvais pas prendre ce risque avec des petites filles de 5 et 3 ans. D'autant que la maladie entrainait des problèmes d'alcool, plusieurs fois nous avons eu peur et du nous réfugier chez les voisins.
Comment vos enfants ont vécu ces 4 années d'hospitalisation de leur papa ?
Elles n'ont pas pu le voir pendant 2 ans, au début parce que les visites n'étaient pas autorisées, puis ensuite parce qu'il ne se sentait pas prêt à les revoir. C'était très dur pour elles de comprendre que leur papa ne voulait pas les voir... Avec le recul il a eu raison, car il était très marqué et impressionnant pour des enfants.
Il s'est donné la mort, quels ont été vos mots pour en parler avec elles ?
Il faut dire la vérité à des enfants, j'ai parlé d'un suicide mais du fait de la maladie, seule responsable de la situation. « Ce n'est pas la faute de papa, s'il s'est donné la mort ».
Avec son départ avez-vous eu l'impression de vivre un 2nd deuil après celui de la séparation ?
C'était différent, le monde était devenu fou, quelque chose que je redoutais depuis si longtemps arrivait, même si je savais qu'il n'y avait pas de guérison possible. J'ai bien plongé après le décès, la vague était beaucoup plus grosse que la première.
Aujourd'hui vous affichez un sourire et une joie incroyable, quelles sont vos ressources pour avoir franchi un tel ravin ?
J'ai reçu beaucoup d'aides ! Lorsque je ressentais de la culpabilité et de la tristesse, je pratiquais l'EFT (emotional freedom techniques), une technique corporelle très précieuse. Facilement fatigable et débordée, mes parents me prennent les enfants régulièrement pendant les vacances scolaires, c'est un vrai soutien, me permettant de souffler.
J'ai suivi un parcours pour les parents seuls. Là je me suis identifiée aux personnes présentes qui connaissaient aussi la souffrance, je les trouvais courageuses et cela m'a donné une belle image de moi alors que je me sentais misérable, c'est avec elles que j'ai ressenti le plus de compassion. Des rencontres dans le cadre d'un groupe de jeunes veufs m'ont fait sortir aussi de ma solitude, on échangeait de façon informelle, cela faisait du bien.
Et j'ai été très touchée par des gestes d'une incroyable gentillesse dans mon entourage, notamment une maman de l'école que je connaissais peu qui après la tentative de suicide de mon mari me tend une boite de petits gâteaux faits maison en me disant« je pense que tes filles sont très gourmandes et que tu n'as pas le temps de faire la cuisine ».... On se sent aimée et pas seule.
J'ai surtout eu un déclic en entendant lors d'une conférence « c'est très important de s'émerveiller », cette phrase a été une révélation car je m'étais tellement éloignée de cela, j'ai décidé aussitôt de la mettre en pratique, c'était un choc qui m'a mis en marche.
Vos filles vont bien maintenant, de quelles façons ont-elles été soutenues ?
La CAF m'a conseillé un groupe pour les enfants en deuil « l'arbre à papillons ». S'appuyant sur toute une pédagogie avec des boites à tristesse, des boites à colère, le bâton de la parole... elles pouvaient s'exprimer et faire de la relaxation ! Pendant ce temps, on se retrouvait entre parents et cela permettait d'échanger et de rencontrer des personnes vivant la même épreuve.
Votre capacité à aller de l'avant m'impressionne, comment vous définissez-vous ?
Je suis dynamique et vais beaucoup vers les autres, je parle à tout le monde dans la rue ! En tant qu'artiste, je ne peux pas m'ennuyer ; j'ai pris un engagement dans une activité qui a du sens pour moi et qui me fait exploiter mes talents, je suis contente de faire quelque chose que d'autres ne peuvent pas faire !
La page est tournée pour vous ?
Oui je vais bien, je peux tout à fait en parler sans émotion et j'ai rencontré un ami ce qui m'aide à guérir de mes peurs et à tourner cette page.
Cette épreuve semble vous avoir fait évoluer, vous vous sentez différente aujourd'hui ?
Bien sûr, on est modelé par les évènements de la vie. J'ai appris à oser me manifester lorsque je suis devant un drame et j'apprécie d'être bien perçue en face car j'ai connu aussi la souffrance. Plus de jugement non plus devant des situations, car rien n'est simple et on ne sait jamais ce qui se passe. Je prends cela comme une chance, d'avoir pu grandir dans cette épreuve.
Agnès en 14 questions
1. Le principal trait de mon caractère. Persévérante
2. La qualité que je préfère chez un homme. La bienveillance
3. La qualité que je préfère chez une femme. L'empathie
4. L'image que j'aimerai refléter. La joie
5. Votre mot préféré. Gratitude
6. Le mot que vous détestez. Mensonge
7. Votre passe-temps favori. La création artistique
8. Le métier que vous n'auriez pas aimé faire. Comptable
9. La plante, l'arbre ou l'animal dans lequel vous aimeriez être réincarné. La lavande
10. Mon rêve de bonheur. Beaucoup de temps libre
11. Une personne qui m'a marquée Des prêtres
12. Ce que qui vous révolte. La pauvreté
13. Fautes qui m'inspirent le plus d'indulgence. La maladresse
14. Ma devise. Chercher à voir le positif