Dans quel contexte est née votre fille, Eloa?
Elle venait concrétiser dix ans d’une relation d’amour. Enfin, ça c’est ce que je m’étais racontée…
C’est-à-dire?
En réalité, le père de ma fille menait une double vie depuis plusieurs années. Comme il est commercial, il s’est toujours beaucoup absenté et je n’ai jamais posé de questions puisque c’était une routine installée. Et puis surtout, je lui faisais confiance. Je n’avais aucune raison de douter de lui. Chaque semaine, il passait deux à trois nuits à l’extérieur. Et de temps à autre, il avait ces fameux séminaires qui lui permettaient de partir huit jours. Ce que je ne savais pas c’est qu’il s’occupait, en réalité, d’une autre femme et de leur petit gars.
Comment a-t-il réagi quand vous lui avez annoncé votre grossesse?
Il était fou de joie. Il m’a couvert de cadeaux, d’attentions. Il était vraiment aux petits soins pour moi tout au long de la grossesse.
Qu’est-ce qui est venu gripper la mécanique ?
Il faut savoir que je suis une phobique de tout ce qui est administratif. Je n’ouvre aucun courrier de la banque, ni des impôts, de la sécurité sociale ou de la CAF. Pourquoi ai-je ouverte ce courrier des impôts ce jour-là? Je ne sais toujours pas. En lisant, je vois qu’on a compté une part en trop. J’appelle pour comprendre et je comprends que ce n’est pas une erreur. Le réveil a été très violent. Eloa n’avait que trois mois mais je n’avais pas le choix. Je suis partie. Quand il est rentré deux jours plus tard, j’avais embarqué mes affaires, celles de la petite et je m’étais installée chez ma mère. Il a bien tenté de vaseuses explications mais pour moi, la trahison était trop forte pour que je l’écoute ou lui pardonne.
Qu’avez-vous fait dès cet instant?
Puisque le père avait failli dans son rôle, il fallait que je sois le pilier fort de ma fille. J’ai été plaider ma cause à la mairie pour qu’ils me trouvent rapidement une place en crèche. Je bossais le jour comme vendeuse pour une grande enseigne et le soir, une fois ma fille couchée, comme je suis italienne, je faisais des traductions en télétravail. Au début, je m’étais inscrite sur tous les sites qui proposent des bons de réduction (pixibox.com, malistedecourses.fr, Danone, Nestlé…), je cumulais avec ceux des prospectus distribués dans les boites aux lettres, j’avais aussi transformé ma voiture en support publicitaire, j’ai vendu pas mal de choses sur Le bon coin, Vinted… J’ai trouvé plein d’astuces pour gagner de l’argent en plus de mon salaire.
Où avez-vous trouvé cette énergie?
Ca s’appelle l’énergie du désespoir ! (Rires) Ou alors c’est une énergie qui vous vient parce que vous êtes maman, et que la responsabilité qui vous incombe vous fait pousser des ailes.
Qu’est-ce qui vous rend fière aujourd’hui?
Je me suis battue comme une lionne pour gagner mon indépendance. J’ai dépassé ma phobie administrative. J’ai trouvé en moi des ressources que je ne soupçonnais pas et je me suis appuyée sur mes rocs : ma mère, ma soeur et mes deux meilleurs amis. J’ai toujours pu compter sur eux pour m’aider, m’écouter et me soulager quand j’étais trop fatiguée. Ça n’a pas été simple, ça ne l’est toujours pas. J’ai toujours du mal à accorder ma confiance à un homme. Le combat continue mais je suis debout et ma fille va bien. C’est l’essentiel.
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