Cela fait des mois maintenant qu’on nous rabâche les oreilles avec cette fichue distanciation sociale pour nous protéger du Covid-19. On nous a ensuite imposé un couvre-feu, on a fermé les bars, les restaurants, les discothèques, les cinémas, les salles de concert et de théâtre, les facs… tous ces lieux propices aux rencontres, aux échanges. Aujourd’hui, les visages que l’on croise sont barrés d’un masque qui empêche de distinguer l’expression, l’émotion. Le virus est venu s’interposer dans la relation au sens large et oblige les célibataires à réinventer le chemin l’un vers l’autre. Le psychiatre et anthropologue Philippe Brenot constate un retour à la parole : « On exprime par des mots ce qu’on ne peut plus exprimer avec des gestes. La rencontre charnelle est différée. Le Covid impose une lenteur. On embrasse moins le premier soir. On attend d’être en confiance. ».
On se voit comment?
Selon les statistiques, 21,4% des rencontres se font sur le lieu de travail mais à présent que les salariés sont priés de télétravailler, ce terrain de jeu est momentanément fermé. L’augmentation de la fréquentation sur les sites de rencontre ne va pas dans le sens de la résignation du côté des célibataires. Meetic enregistre son plus haut taux d’abonnés depuis quatre ans et un accroissement des échanges écrits. Les sites ont su s’adapter en proposant notamment des « tête-à-tête vidéo ». Et puis il y a les frondeurs qui se montrent créatifs : « Le virtuel c’est bien, mais faut pas que ça dure trop longtemps non plus - sourit Sarah, 38 ans, avocate - Au printemps dernier, avec Thomas, on « papotait » sur la plateforme où on était inscrit. On échangeait sur nos préférence en matière de vin. Il m’a proposé qu’on se retrouve devant les bouteilles de Bordeaux du supermarché. On a poursuivi notre conversation dans les rayons. J’ai fini par aller goûter cette bouteille de Pessac-Leognan chez lui. Du coup, pour le deuxième confinement, on a emménagé ensemble. » En version plus romantique que les allées sous néons blancs des supermarchés, le rendez-vous dans un parc ou un jardin public offre un tout autre charme…
Une nouvelle approche
Dans cette ère du tout-distanciel, se rapprocher est presque devenu un acte de rébellion. Pour Enzo, dragueur compulsif, la donne a changé : « C’est devenu trop risqué de multiplier les dates. Je passe plus de temps à tchatter, j’attends d’être vraiment séduit avant de proposer une rencontre. C’est flippant parce qu’on ne peut plus se voir sans avoir, au préalable, demandé si l’autre a déjà été touché par le virus, de quand date son dernier test… Et puis avec le port du masque, draguer dans la rue c’est devenu un sport à haut risque ! Tu sais jamais à quoi t’attendre quand la meuf enlève son masque! »
Selon une enquête menée fin novembre par Odoxa-Dentsu pour Franceinfo et Le Figaro, réalisée à partir de l’analyse de milliers de messages sur les réseaux sociaux, le thème du « célibat, de la difficulté de trouver l’âme sœur en confinement et des relations sexuelles impossibles » est l’un des deux sujets de préoccupations majeurs des 15-30 ans, avec la restriction des libertés quotidiennes. « Plus ils sont jeunes, plus le sentiment de passer à côté de leurs belles années insouciantes est manifeste », indique l’étude.
Réinventer la rencontre
Cette crise sanitaire ouvre la page d’un nouveau dialogue entre célibataires, moins centrée sur la consommation charnelle et davantage ouverte au dialogue. En-dehors des sites de rencontre, les jeux en ligne bénéficient d’un regain d’intérêt, en ces temps troublés. Certains proposent de disputer des parties avec tchat intégré. Sur Among Us ou encore Plato, on peut échanger ses impressions sur le jeu, se vanner, tester l’autre et poursuivre la conversation sur messagerie privée.